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marine le pen - Page 2

  • Qui sont les vrais insoumis ?...

    Dans cette émission du Plus d’Éléments, diffusée par TV Libertés, l'équipe du magazine, autour d'Olivier François, à l’occasion de la sortie du nouveau numéro, s’intéresse aux nouvelles dissidences à partir d’un sondage exclusif consacré à "la désobéissance aujourd’hui" et d’un entretien avec Marine Le Pen. Quels sont les nouveaux visages de la dissidence ? Qui, parmi les Français, conteste ? Autant de questions auxquelles la rédaction répond.
    Au menu également : la mort du grand Sempé, et "Cher connard", le dernier roman de Virginie Despentes... On trouvera sur le plateau,
    François Bousquet, rédacteur en chef, Patrick Lusinchi, directeur artistique, Christophe A. Maxime et Daoud Boughezala...

     

                                                

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  • Vers de nouvelles insurrections...

    Le nouveau numéro de la revue Éléments (n°198, octobre - novembre 2022) est en kiosque!

    A côté du dossier consacré aux désobéissants, on découvrira l'éditorial d'Alain de Benoist, les rubriques «Cartouches», «Le combat des idées» et «Panorama» , un choix d'articles variés et des entretiens, notamment avec le professeur de la Sorbonne Marc Dambre, le philosophe Loïc Chaigneau, l'essayiste Benoît Rayski , le directeur de l'hebdomadaire allemand Junge Freiheit Dieter Stein et la candidate à l'élection présidentielle Marine Le Pen...

    Et on retrouvera également les chroniques de Xavier Eman, d'Olivier François, de Laurent Schang, d'Hervé Juvin, de Nicolas Gauthier, de Bruno Lafourcade, de Guillaume Travers, d'Yves Christen, de Bastien O'Danieli et de Slobodan Despot ainsi que le reportage de Daoud Boughezala ...

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    Au sommaire de ce numéro :

    Éditorial

    La fin de la « communauté internationale ». Par Alain de Benoist

    Agenda, actualités

    L’entretien

    Génération Hussards, entretien avec Marc Dambre. Propos recueillis par Thomas Hennetier

    Cartouches

    L’objet disparu : le flipper. Par Nicolas Gauthier

    Une fin du monde sans importance. Par Xavier Eman

    Godard, Dominique de Roux et moi. Par Michel Marmin

    Cinéma : Michael Winner le maudit. Par Nicolas Gauthier

    Champs de bataille : Gustave II Adolphe de Suède. Par Laurent Schang

    Le saltimbank, 1ère partie : le nanti-système. Par Bruno Lafourcade

    Le grand roman du Kremlin. Par Christopher Gérard

    In memoriam : François-Bernard Huyghe. Par Pascal Eysseric

    Le Nid, un incubateur pas comme les autres. Propos recueillis par Claude Chollet

    Économie. Par Guillaume Travers

    Quel cirque ! Le regard d’Olivier François

    Bestiaire : les insectes peuvent-ils souffrir ? Par Yves Christen

    Sciences. Par Bastien O’Danieli

    Le combat des idées

    Ils ont tué Daria Douguina ! Par Pascal Eysseric

    Le mythe du complot interne contre Poutine, les élites derrière le Kremlin. Par Stéphane Brizzi

    Rendez-vous en terre inconnue : Eurodisney a trente ans ! Par Daoud Boughezala

    Le wokisme vu de Marx : l’éclairage incisif de Loïc Chaigneau. Propos recueillis par David L’Épée

    Alain de Benoist au plus intime, l’exil intérieur comme être-au-monde. Par Alain Lefebvre

    Dominique Venner vu par Benoît Rayski : éloge du guerrier réprouvé. Propos recueillis par Nicolas Gauthier et Pascal Eysseric

    Thomas Clavel et les femmes : l’anti-Despentes. Par Anne Letty

    Penser le féminisme hors du politiquement correct : 7 théoriciennes à lire. Par David L’Épée

    Chère pouffiasse, Virginie Despentes en Miss Boudin. Par François Bousquet

    L’esclave, une ressource d’avenir, comment sauver le système. Par Guillaume Travers

    Hervé Juvin et Bernard Carayon : le débat sur le « made in France ». Propos recueillis par François Bousquet et Pascal Eysseric

    Reconstruire l’avenir de l’énergie nucléaire : jusqu’où devons-nous aller ? Par Éric Blanc

    L’Allemagne vue de droite : Junge Freiheit, l’hebdo jeune et libre. Par Anne-Laure Blanc

    Allemagne, la course à l’abîme : un entretien avec Dieter Stein. Propos recueillis et traduits par Anne-Laure Blanc

    La Bibliothèque du Conservatisme, une oasis de résistance à Berlin. Par Anne-Laure Blanc

    Semper Sempé, la douceur conquérante. Par Christophe A. Maxime

    Une herbe sauvage, les vies de Falk van Gaver. Par Olivier François

    Dossier

    Les désobéissants

    Notre sondage exclusif sur la désobéissance : entre révolte et dissidence. Par Jérôme Sainte-Marie

    Entretien avec Marine Le Pen : « Nous, les nouveaux tribuns de la plèbe ». Propos recueillis par Pascal Eysseric et Nicolas Gauthier

    À la Fête de l’Huma avec François Ruffin : recherche classes populaires désespérément. Par Pascal Eysseric

    La « grande démission », maladie terminale de la civilisation ? Par Guillaume Travers

    Appel à une génération démissionnaire. Par Violaine Malleterre

    Panorama

    L’œil de Slobodan Despot

    Reconquête : réfutation du survivalisme. Par Slobodan Despot

    La leçon de philo politique : Cicéron. Par Ego Non

    Un païen dans l’Église : Les œuvres de chair d’un moine solitaire au monastère de Brou dans l’Ain. Par Bernard Rio

    C’était dans Éléments : pourquoi le peuple déserte la gauche. Par Alain de Benoist

    Éphémérides

     

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  • Zemmour ou Marine, les leçons de la présidentielle...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous  un débat organisé par les Natifs Paris qui, le 24 juin dernier, ont invité Jean-Yves Le Gallou, président de Polémia, et François Bousquet, rédacteur en chef d’Éléments pour débattre des leçons de la présidentielle.

     

                                            

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  • Le Système a perdu une bataille, mais pas la guerre...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré aux résultats des élections législatives.

    Ancien haut-fonctionnaire, Michel Geoffroy a publié le Dictionnaire de Novlangue (Via Romana, 2015), en collaboration avec Jean-Yves Le Gallou, et deux essais, La Superclasse mondiale contre les Peuples (Via Romana, 2018), La nouvelle guerre des mondes (Via Romana, 2020), Immigration de masse - L'assimilation impossible (La Nouvelle Librairie, 2021) et dernièrement Le crépuscule des Lumières (Via Romana, 2021).

     

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    Succès du RN : le Système a perdu une bataille, mais pas la guerre

    Ce devait être la martingale infaillible : pour la présidentielle, un duel Macron-Le Pen conduisant la gauche extrême à voter pour le premier afin de « faire barrage » à la seconde. Et pour les législatives, la même gauche en repoussoir pour effrayer le bourgeois et présenter Ensemble comme un recours. Las, il suffisait de regarder les mines réjouissantes des médiacrates, dimanche soir, pour se douter que cette belle manœuvre avait échoué.

    Caramba, Jupiter s’est planté !

    Non seulement la NUPES n’atteint pas du tout les scores mirifiques que nous promettaient les instituts de sondage – ce qui démontre en passant le caractère hautement « scientifique » de leurs travaux ! – mais avec 89 élus, le RN enregistre une progression sans précédent.
    Au point que le Président Macron ne dispose pas de la majorité absolue des sièges à l’Assemblée nationale et se retrouve de fait dans une situation de cohabitation non-désirée, obligé de constituer des alliances de circonstance, comme au bon vieux temps de la quatrième république.

    Caramba, Jupiter s’est planté !

    Les astrologues médiatiques tombés dans un puits

    Trop occupés à faire la promotion de la NUPES, les médias mainstream (plus de 50 % du temps de parole donnés aux candidats NUPES sans que cela ne gêne l’Arcom !) et les instituts de sondage ont en effet totalement sous-estimé deux phénomènes :

    • d’une part, la très grande déception, pour ne pas dire plus, de l’opinion devant la réélection d’Emmanuel Macron, le gendre de moins en moins idéal ;
    • d’autre part, l’inquiétude que suscitait la perspective d’un second mandat sans aucun contrepoids politique. Inquiétude renforcée par le ralliement ostensible d’Emmanuel Macron au camp des bellicistes anglo-saxons et par son indifférence affichée aux conséquences catastrophiques des sanctions antirusses.

    Les experts de plateaux télé ont aussi négligé que la diabolisation de Reconquête avait aussi servi l’image du RN et que si l’union de la droite ne se faisait pas au niveau des états-majors, elle pouvait se faire dans les urnes. Il est d’ailleurs probable qu’une alliance RN-Reconquête au premier tour des législatives aurait amplifié la débandade des candidats macroniens, globalement dépourvus d’implantation locale réelle.

    Raison garder

    La belle percée électorale du RN, malgré tous les obstacles placés sur sa route, témoigne de son implantation populaire. Elle confirme aussi qu’en politique le désespoir absolu est bien la sottise absolue.
    Mais il faut cependant raison garder.

    D’abord l’histoire parlementaire abonde d’exemples où de braves gens, élus sous une étiquette de rupture, ont été vite digérés par le régime. Ce fut notamment le cas des élus poujadistes sous la IVème république[1].

    Sur ce plan la gauche échappe généralement à ce péril car elle est plus motivée idéologiquement et plus disciplinée.
    Le RN, dont l’expérience parlementaire est limitée, va donc devoir faire preuve de vigilance et de compétence afin d’éviter cet écueil.

    La France ingouvernable, vraiment ?

    Ensuite, il faut relativiser une victoire électorale parce que l’Assemblée nationale a tout simplement perdu l’essentiel de ses pouvoirs au 21e siècle. Nous ne sommes plus en 1958 ni même en 1981 !
    Les médias nous abreuvent de titres selon lesquels la France serait devenue « ingouvernable » depuis le 19 juin. Quelle plaisanterie !

    La France va au contraire continuer d’être gouvernée par la Commission Européenne – qui fixe chaque année nos grandes orientations de réformes –, par la BCE, par l’OTAN, par le pouvoir judiciaire (non élu…), par les lobbies, les ONG ou les dirigeants des grandes entreprises mondialisées.

    Face à tous ces vrais pouvoirs, notre parlement – dont l’essentiel de l’activité législative consiste, il faut le rappeler, à retranscrire des directives bruxelloises – compte les coups, en simple spectateur. Même ses pouvoirs de contrôle sont incapables de rivaliser avec eux et sont de toute façon très inférieurs à ceux des parlements étrangers, notamment anglo-saxons.

    Le pouvoir n’est plus à prendre mais à reforger

    Aujourd’hui, le pouvoir est avant tout économique, financier, judiciaire, européen ou technologique, et de moins en moins national, législatif, populaire et démocratique.
    Les hommes politiques visibles – président, ministres ou parlementaires – ne sont pas les décideurs en dernier ressort, ce qu’a très bien compris, manifestement, le plus grand parti de France : celui des abstentionnistes.
    Et si les projets – que soutient Emmanuel Macron évidemment – de suppression de la règle de l’unanimité dans le fonctionnement européen, voient le jour, la souveraineté nationale sera définitivement enterrée au sein de la zone euro.

    Il faut donc replacer l’incontestable victoire électorale du RN, dans ce contexte frustrant. De nos jours, le pouvoir est moins à prendre qu’à reforger, en redonnant du pouvoir au pouvoir, en investissant de nouveaux lieux de pouvoir, justement.

    Espérons que les députés du RN auront compris l’enjeu et sauront agir en ce sens.

    Le Système a perdu une bataille, mais pas la guerre

    Il ne faut pas bouder son plaisir pour autant : en juin 2022, le Système a bien perdu une bataille politique en France, et le nouveau quinquennat d’Emmanuel Macron, commence bien mal.

    Mais la guerre qui oppose le bloc élitaire – l’oligarchie qui a pris le pouvoir en Europe avec ses idiots utiles – au bloc populaire – qui ne veut pas être remplacé ni réduit à la mendicité – ne s’achève pas pour autant.
    Elle ne fait que commencer.

    Michel Geoffroy (Polémia, 23 juin 2022)

     

    Note :

    [1] A l’exception d’un certain Jean Marie Le Pen…..

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  • Alain de Benoist : « Ceux qui récusent l’existence de deux blocs iront dans le mur »...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Alain de Benoist à la revue Le Nouveau Conservateur, cueilli sur le site de la revue Éléments, et consacré, en particulier, au bilan politique des élections présidentielles.

    Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Contre le libéralisme (Rocher, 2019),  La chape de plomb (La Nouvelle Librairie, 2020),  La place de l'homme dans la nature (La Nouvelle Librairie, 2020), La puissance et la foi - Essais de théologie politique (La Nouvelle Librairie, 2021) et L'homme qui n'avait pas de père - Le dossier Jésus (Krisis, 2021).

     

    Bloc contre bloc.jpg

     

    Alain de Benoist : « Ceux qui récusent l’existence de deux blocs iront dans le mur »

    LE NOUVEAU CONSERVATEUR : Commençons par la surface. Dans les termes que nous utilisons, l’actuelle séquence électorale aboutira sans doute à la pulvérisation de la droite, et à l’assemblée sans doute la plus à gauche de toute notre histoire politique depuis qu’existe le suffrage universel. On ne peut qu’être frappé depuis plusieurs années par la déliquescence des partis traditionnels. Ce furent ceux de gauche (PCF, PS), puis ceux de droite (UMP, LR). Qu’en penser ? Comme vous n’accordez pas beaucoup d’importance au clivage droite-gauche (et même le récusez), je devine que vous décririez différemment le nouveau tableau politique…

    ALAIN DE BENOIST. Pas très différemment, mais en replaçant les choses dans une plus longue durée. Vous parlez à juste titre de la « déliquescence » de ces grands partis qu’on dénommait naguère « partis de gouvernement ». Dans la plupart des pays européens, mais tout particulièrement en France, ces partis traditionnels, qui avaient gouverné en alternance depuis des décennies, voient en effet leur marge de manœuvre se réduire comme peau de chagrin pour des raisons à la fois politiques et sociologiques auxquelles la montée des populismes n’est pas étrangère. En France, cette tendance s’est accélérée de façon spectaculaire. L’élection présidentielle de 2017 a marqué l’effondrement du PS, l’élection présidentielle de 2022 celui de LR. Or, ces partis qui disparaissent sous nos yeux sont aussi ceux qui constituaient les vecteurs principaux du clivage droite-gauche. On ne peut pas séparer ces deux faits l’un de l’autre. La preuve en est qu’en 2017 comme en 2022, les deux finalistes avaient en commun de ne pas se situer par rapport au clivage droite-gauche. Ce n’est pas un hasard – mais c’est une première dans l’histoire de la Ve République. La leçon qu’il faut en tirer est que ce clivage droite-gauche, même s’il survit dans certains esprits, est aujourd’hui devenu obsolète. Il continue à jouer à la marge, mais de nouveaux clivages se sont imposés.

    Au premier tour de la dernière présidentielle, trois candidats ont franchi la barre des 20 %. Les autres se situaient entre 7 % et 0 %. Entre 7 % et 20 % : rien du tout ! C’est aussi cela qui est significatif. Quant au second tour, il a consacré l’existence de deux blocs désormais bien identifiés : un bloc populaire (ou national-populaire), regroupant l’essentiel des classes populaires et une partie des classes moyennes aujourd’hui en voie de déclassement, sinon de disparition, et un bloc élitaire ou bourgeois, rassemblé autour de Macron, sans équivalent depuis la monarchie de Juillet. Emmanuel Macron a été l’élu des riches et des vieux, ou si l’on préfère des libéraux de droite et de gauche, de la bourgeoisie d’affaires, de la bourgeoise intellectuelle, de la classe managériale, des notables de province et des retraités aisés. L’installation de ces deux blocs est aujourd’hui la principale donnée de la vie politique française. Ceux qui ne veulent pas l’admettre iront dans le mur.

    Vous parlez de la probable arrivée au Parlement de « l’assemblée la plus à gauche de toute notre histoire politique depuis qu’existe le suffrage universel ». Cela montre que vous vous illusionnez sur la « menace Mélenchon ». Celui-ci n’a dû son relatif succès du premier tour qu’à l’effondrement ou la dispersion façon puzzle des formations de gauche. Il a donc bénéficié d’un vote utile (Mélenchon faute de mieux), lequel n’est qu’un vote de circonstance. Sa nouvelle Union populaire n’est rien d’autre qu’une fédération de ruines et de restes : un PS en voie de disparition, un PC rachitique, des écolos à la ramasse. Rien à voir avec un nouveau Front populaire ! Quant à la France insoumise, je ne lui prédis pas un bel avenir, en raison de son hétérogénéité. LFI bénéficie actuellement du vote des quelques populistes de gauche restés sur les positions de Mélenchon 2017 (ce sont eux qui ont voté Marine Le Pen au second tour), d’une partie d’une vote musulman et communautaire, de celui des bobos indigénistes ou « wokistes », et de celui d’un certain nombre de jeunes diplômés sans revenu (ou à faible revenu). Tout cela ne fait pas un ensemble cohérent. Mélenchon, qui a contribué à la réélection de Macron, est devenu un « diviseur des classes populaires face à la bourgeoisie » (Jérôme Sainte-Marie). Cela veut dire qu’il n’y a pas un « bloc mélenchonien » comparable au bloc populaire et au bloc élitaire, et qu’il y a toutes chances pour que ses composantes se dispersent à nouveau à la première occasion.

    LE NOUVEAU CONSERVATEUR : Peut-on dire que ce qui surnage, LREM (recomposée en Renaissance), Reconquête ! et RN (celui-ci est curieusement le moins atteint de tous), sont de véritables partis ? Que pourrait-il s’y substituer ? À moins que toutes les formes actuelles de la représentation politique soient obsolètes…

    ALAIN DE BENOIST. Je pense que la forme-parti est elle aussi devenue obsolète. Quand on se penche sur l’histoire des partis politiques, qui ont fait depuis plus d’un siècle l’objet d’innombrables études, on découvre une trajectoire révélatrice. L’appartenance à un parti était autrefois une forme importante de citoyenneté active, et les partis eux-mêmes étaient de véritables lieux d’échanges et de sociabilité. Dans les années 1950, le parti communiste français, qui était d’ailleurs à cette époque tout autant nationaliste qu’internationaliste, avait réussi à créer une véritable contre-culture. Aujourd’hui, les partis politiques sont devenus de simples machines à faire élire tel ou tel, et les « communicants » y font la loi. Leurs effectifs sont en outre devenus dérisoires, et les « vieux militants » (qui concevaient l’engagement politique sur le modèle de l’engagement sacerdotal) ont quasiment disparu. À quoi servent aujourd’hui les partis politiques ? On se le demande. Vous aurez peut-être remarqué que ni Marine Le Pen ni Macron ne se sont retrouvés deux fois de suite au second tour de la présidentielle grâce à leur parti !

    Mais vous avez raison, c’est la notion même de représentation politique qui doit être questionnée. Les démocraties libérales sont des démocraties représentatives, un trait plus libéral qu’il n’est vraiment démocratique. Rousseau avait fait une critique du système représentatif, à laquelle je souscris entièrement. Faute de mandat impératif, faisait-il observer, le peuple se dessaisit de sa souveraineté au moment de l’élection pour la transférer à ses représentants, qui en usent ensuite à leur guise. Carl Schmitt a consacré plusieurs livres à cette question de la représentation. Sa conclusion est qu’un peuple est politiquement d’autant plus présent à lui-même qu’il n’a pas besoin d’être représenté.

    LE NOUVEAU CONSERVATEUR : Ne trouvez-vous pas qu’il y a une sorte de paradoxe dans la perpétuation du rite électoral – notamment présidentiel – qui a mobilisé bien des énergies, fait couler abondamment d’encre et de salive pendant près d’une année, tout cela pour aboutir à presque rien – et d’autant moins que la post-modernité soumet sans cesse davantage les États à des pouvoirs plus puissants qu’eux (Gafam, grandes firmes mondiales, notamment pharmaceutiques, cabinets de conseil…) qui réduisent à quia l’action des gouvernements ?

    ALAIN DE BENOIST. Vous savez que personnellement je n’attends rien de la politique en général, ni d’une élection (fût-elle présidentielle) en particulier. Je pense que le système est trop pourri, trop nécrosé jusqu’à l’os, pour pouvoir être transformé en profondeur par le jeu des urnes. Comme disait Guy Debord : « Si les élections pouvaient vraiment changer quelque chose, il y a longtemps qu’elles seraient interdites ! » Que la dernière élection présidentielle ait mobilisé autant d’énergie, déchaîné autant de passions inutiles et gaspillé autant d’argent pour n’accoucher finalement que d’une souris n’a donc rien pour me surprendre.

    Cela ne doit toutefois pas faire oublier que ce scrutin a quand même eu le mérite de confirmer l’installation dans le paysage politique des deux blocs dont j’ai déjà parlé, de pair avec l’effondrement des « grands » partis traditionnels, de constater que la dynamique est aujourd’hui du côté du bloc populaire (Marine Le Pen est arrivée en tête au premier tour dans 30 départements et 22 000 communes, a amélioré son score final de 2,7 millions de voix par rapport à 2017, passant de six millions de voix en 2012 à 13 millions en 2022, et parvenant même à battre Anne Hidalgo à Paris !), mais aussi de permettre de comprendre l’échec de la candidature Zemmour, en qui beaucoup avaient mis tous leurs espoirs.

    Éric Zemmour, dont on connaît le talent, s’est lancé avec courage dans l’aventure. Sa campagne a permis de faire entrer dans le débat public certaines notions (liées à la question de l’immigration) jusque-là tenues à l’écart ou mises sous le boisseau – avec néanmoins une tonalité qui a pu être jugée comme anxiogène, voire brutale. Mais en fin de compte, sa candidature s’est soldée par un échec, puisqu’il n’a pas dépassé 7 % (ce que j’avais personnellement prévu depuis le début). Cet échec a bien sûr des causes multiples, mais je ne crois pas un instant qu’il s’explique fondamentalement par quelques déclarations intempestives ou par les retombées de la guerre en Ukraine.

    Je pense que notre ami Zemmour a fait deux erreurs stratégiques qui, dès le départ, l’empêchaient de réussir. La première est de s’être accroché à l’arlésienne de l’union des droites, vieille lune dont j’entends parler depuis plus d’un demi-siècle, mais qui n’a jamais pu se réaliser pour la simple raison que ces droites se réfèrent à des idées, des valeurs, des conceptions du monde qui ne sont pas seulement différentes, mais bien souvent opposées. C’est le cas tout particulièrement de la droite conservatrice, pour qui l’homme est d’abord un héritier, et de la droite libérale, pour qui il est un être appelé à maximiser en permanence son meilleur intérêt personnel, censé décider de ses choix sans considération de ses appartenances ou de ses héritages (c’est l’idéal du self made men). Les conservateurs ont le souci du bien commun, les libéraux le seul souci des libertés individuelles et des droits de l’homme. Aussi longtemps que les premiers s’obstineront à ne pas voir que le système capitaliste, c’est-à-dire la logique du profit et le système du marché, est un « fait social total » qui détruit systématiquement tout ce qu’ils veulent conserver, ils resteront dans l’impasse. Sur le fond, les droites sont incompatibles entre elles, et c’est pourquoi la sympathique idée de l’« union de droites » n’est qu’une mystification parmi d’autres – surtout à une époque où le clivage droite-gauche est en voie de disparition !

    La seconde erreur de Zemmour a été d’ignorer la lutte des classes, au moment même où celle-ci bat son plein. Je sais bien qu’à droite, c’est un sujet dont il ne faut pas parler ! Ce serait donner raison à Karl Marx, disent les ignorants qui s’imaginent que c’est à l’auteur du Capital que l’on doit l’invention des classes et de la lutte des classes. Mais il faut ouvrir les yeux et consentir à voir ce que l’on voit. Jamais comme aujourd’hui, depuis un siècle, les oppositions politiques n’ont autant pris la forme d’une opposition de classe : bloc populaire contre bloc élitaire, bourgeoisie prédatrice contre classes populaires vivant dans la précarité, peuple soucieux de conserver sa sociabilité propre et Nouvelle Classe hors-sol, etc. Jamais les paramètres socio-économiques n’ont autant été à prendre en compte pour qualifier les électorats. Voyez ce qu’en disent Christophe Guilluy et Jérôme Sainte-Marie.

    Avec beaucoup de malhonnêteté, on a reproché à Marine Le Pen de s’être souciée en priorité du pouvoir d’achat (un « sujet démagogique », un thème pour « ménagères des plus de 50 ans »). Si elle l’a fait, ce n’est pas pour faire passer la question sociale avant la question nationale, c’est qu’aujourd’hui ce sujet vient au premier rang des préoccupations des Français, ainsi que le confirment tous les sondages. Mais c’est surtout qu’elle a bien compris que, derrière le pouvoir d’achat, il y a des revendications bien plus fondamentales, de même que chez les Gilets jaunes, derrière la protestation initiale contre une taxe sur les produits énergétiques, couvait une colère bien plus profonde. En parlant des menaces qui pèsent sur leur pouvoir d’achat, les classes populaires veulent aussi dire qu’elles en ont assez de la façon dont elles sont ignorées, méprisées, invisibilisées. En fait, ce que les classes populaires ne supportent plus, c’est le mépris de classe. Le problème est que, dans l’électorat Zemmour (17,4 % des suffrages dans le 16e arrondissement de Paris), je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de gens qui aient jamais eu à souffrir du mépris de classe dans leur vie quotidienne… 

    Dans ces conditions, la fusion des classes populaires et de la « bourgeoisie patriote » que souhaite réaliser Zemmour me paraît mal partie. Dans une optique « interclassiste », cela voudrait dire qu’il faut amener les premières à croire qu’elles ont les mêmes intérêts que la seconde, ce qui est douteux. En réalité, rien ne justifie que la droite populaire, dont les intérêts passent par le maintien de l’État social, et donc de la dépense publique, fasse allégeance à la droite bourgeoise. La « bourgeoisie patriote » peut se sentir en état d’insécurité culturelle, elle ne se sent pas en état d’insécurité sociale. Historiquement, la bourgeoisie n’a jamais été patriote que dans les moments où ses intérêts matériels ou financiers étaient menacés. C’est d’ailleurs ici, dans les colonnes du Nouveau Conservateur, que Bernard Carayon a pu citer ces mots du général de Gaulle : « Nous avons réussi à contenir les Soviétiques, nous avons repoussé les Allemands, mais nous ne sommes pas parvenus à rendre la bourgeoisie patriote. » Propos révélateurs. Ce n’est pas demain que nous assisterons au jumelage de Hénin-Beaumont et de Saint-Tropez.

    Reste la question essentielle que vous soulevez dans votre question : l’impuissance grandissante des politiciens au pouvoir. Ce n’est pas une question dont on peut disserter en quelques mots, mais ce dont il faut être conscient, c’est que cette impuissance n’est jamais que la conséquence, somme toute logique, d’une neutralisation du politique entreprise de beaucoup plus longue date par (et au profit de) l’économique, de la technoscience, de la morale et du droit.

    LE NOUVEAU CONSERVATEUR : Le corps politique français est constitué par les 50,5 millions de citoyens âgés de 18 ans et plus. Le président de la République a obtenu au premier tour 9,7 millions et au second tour 18,7 millions – dont une moitié déclare le combattre dès les jours qui suivent son élection, ce qui nous ramène au même étiage de soutien, moins de 20 %. Ce constat que personne ne fait aboutit à deux questions graves : peut-on gouverner dans ces conditions ? Comment nommer un système qui ne peut plus être dit « démocratique » ?

    ALAIN DE BENOIST. Il y a longtemps que les présidents ne sont plus élus par une véritable majorité, mais le plus souvent par une minorité des électeurs inscrits. De plus en plus, ce sont des élus par défaut, qui utilisent leur adversaire comme repoussoir (« tout sauf Le Pen », « tout sauf Macron »). Peut-on gouverner dans ces conditions ? Oui, bien sûr, puisque l’on a été élu. Mais on gouvernera mal, car la légitimité fera défaut. C’est ici qu’il faut revenir à la différence essentielle qui existe entre légalité et légitimité, différence niée par le positivisme juridique.

    Les démocraties libérales sont par ailleurs devenues depuis longtemps des oligarchies financières. Est-on encore en démocratie ? Tout dépend comment on la conçoit. Pour moi, l’expression même de « démocratie libérale » est un oxymore, une contradiction dans les termes. La démocratie concerne les citoyens, le libéralisme ne s’occupe que des individus. D’un point de vue démocratique, le bien commun doit primer sur les intérêts particuliers. Le peuple est souverain en ceci qu’il détient la légitimité politique et possède à ce titre le pouvoir constituant. À un interlocuteur qui lui vantait les mérites de la Cour suprême aux États-Unis, le général de Gaulle avait répondu : « En France, la Cour suprême, c’est le peuple ! » Pour le libéralisme, les collectivités, les peuples et les cultures ne sont que des additions d’individus (« la société n’existe pas », disait Margaret Thatcher) et les frontières doivent disparaître pour ne pas faire obstacle à l’échange marchand et à la suraccumulation du capital à partir de l’argent s’engendrant de lui-même. Pour résumer les choses : il n’y a démocratie, quel que soit le régime, que lorsqu’un peuple peut disposer de son destin.

    LE NOUVEAU CONSERVATEUR : Un des thèmes favoris de la sociologie contemporaine est celui de l’imaginaire, de l’émiettement de l’imaginaire national (ou local) au bénéfice d’imaginaires nouveaux, commerciaux, tribaux, supranationaux, c’est-à-dire américains. La nation, qui se dépouille de ses figures traditionnelles et de ce que Régis Debray appelait ses « points de communion », peut-elle rester un cadre politique ? Avons-nous des cadres politiques de substitution ? Plus crûment : à quoi riment les élections nationales quand l’État n’a plus grand rôle et que la nation s’effrite ?

    ALAIN DE BENOIST. Les élections entretiennent le rite, mais ce n’est un secret pour personne que de plus en plus de gens s’en détournent. Toutefois, la politique ne disparaît pas « quand l’État n’a plus grand rôle et que la nation s’effrite ». Elle migre ailleurs. Ce qui montre que la vie politique n’est pas seulement du ressort de l’État-nation. Cela dit, vous avez raison de parler de l’importance de l’imaginaire. La substitution d’un imaginaire symbolique à un autre est un ressort puissant de l’évolution ou de la transformation de l’esprit public (Spengler aurait parlé de pseudomorphose). Mais il ne faut pas tout mélanger. Vous parlez d’imaginaires « supranationaux, c’est-à-dire américains ». C’est un raccourci, certes, mais il n’est pas exact. Je respecte votre attachement inconditionnel à la nation, et je serais le dernier à nier l’importance des nations. Mais la nation n’est jamais qu’une forme politique, propre à la modernité, parmi bien d’autres que l’on a connues au cours de l’histoire : cités-États, rapports féodaux, ligues diverses, empires, etc. Je récuse comme vous la supranationalité de l’Union européenne, qui ne représente qu’une Europe-marché acquise à l’atlantisme et à la l’idéologie dominante, mais je peux très bien imaginer une Europe-puissance qui pourrait se vouloir indépendante des États-Unis, voire ouvertement hostile à ce qu’ils représentent.

    L’imaginaire dominant, à l’heure actuelle, c’est en fait l’imaginaire de la marchandise. Cette colonisation des imaginaires symboliques par la logique du profit et le règne de la quantité est allée de pair avec la montée de la classe bourgeoise, le déploiement planétaire de l’axiomatique de l’intérêt, la désagrégation des « grands récits » des deux siècles derniers, l’épuisement des grands projets collectifs, l’effritement du lien social, la disparition des structures d’entraide organiques, l’individualisation et la privatisation tous azimuts (Heidegger parlait de « métaphysique de la subjectivité »). Il ne sera pas facile d’en sortir. Personnellement, j’ai plutôt l’impression que ce système se détruira de lui-même, car il est intrinsèquement porteur de chaos. Quand il aura tout dévoré, il se dévorera lui-même.

    LE NOUVEAU CONSERVATEUR : L’une des caractéristiques de la post-modernité est de surévaluer les apparences, lesquelles ont absorbé la politique pure dans la politique-spectacle avec ce que cela suppose d’émotions fabriquées par les médias – l’affaire ukrainienne en offre une illustration assez accablante. Voyez-vous un remède ?

    ALAIN DE BENOIST. D’abord une remarque, dictée par la modestie. Il ne faut pas demander des remèdes ou des solutions à ceux dont le seul rôle est de proposer des analyses à consulter et à méditer. Pour les remèdes, c’est chez les praticiens qu’il faut aller voir. Maintenant, la politique-spectacle. Elle est toujours là bien entendu, mais de l’eau a passé sous les ponts depuis l’époque où les situationnistes en donnaient une description pionnière. La situation a changé, et pas en mieux. Aujourd’hui, le spectacle est truqué, il a changé de nature. La politique-spectacle est elle-même dépassée par le simulacre (Jean Baudrillard) et le faux-semblant. On va vers une virtualisation du réel, ce qui veut dire que le réel n’est plus vraiment réel (Renaud Camus parle de « faussel »).

    LE NOUVEAU CONSERVATEUR : Vous avez bien connu et beaucoup lu Julien Freund, que nous aimons beaucoup au « Nouveau Conservateur ». Une de ses contributions au GRECE s’intitulait « Plaidoyer pour l’aristocratie » ; pensez-vous qu’une aristocratie (une escouade d’esprits fidèles aux traditions les plus lointaines de notre civilisation) pourrait redéfinir les termes, les cadres, et pourquoi pas les représentations politiques dans un avenir plus ou moins lointain ? Ou comptez-vous sur cet autre réceptacle de la tradition qu’est le peuple ?

    ALAIN DE BENOIST. Julien Freund m’a honoré de son amitié durant les quinze ou vingt dernières années de sa vie. C’était un homme d’une culture incroyable, d’un non-conformisme absolu, d’une totale simplicité, d’une grande drôlerie aussi, si bien que les discussions avec lui étaient inoubliables. Il avait fait la conférence à laquelle vous faites allusion à un colloque organisé en janvier 1975. Je me souviens qu’il avait pris le soin de distinguer l’aristocratie, au sens anthropologique et moral du terme, de la noblesse au sens social. La noblesse a été abolie en France, mais une aristocratie est toujours possible. D’aucuns y verraient le fondement d’un Ordre, voire une sorte d’assemblée des « fils de rois » dont parlait Gobineau dans Les Pléiades (1874). Mais croyez-vous vraiment qu’un tel cénacle, s’il existait – car pour l’heure il relève surtout du pieux souhait –, aurait le désir ou le goût d’œuvrer à un renouveau de la vie politique ? Je pense qu’il prendrait au contraire grand soin de ne pas aller perdre son temps dans ce marais !

    Le peuple, c’est autre chose. Vous n’avez pas tort de l’évoquer immédiatement après avoir parlé de l’aristocratie. Je suis de ceux qui considèrent que les valeurs populaires et les valeurs aristocratiques se rejoignent à bien des égards, et qu’elles sont tout aussi étrangères les unes que les autres aux valeurs bourgeoises. Bien sûr, il ne faut pas idéaliser le peuple. Qu’on le comprenne comme ethnos ou comme demos (les deux démarches étant inséparables), on voit bien qu’il est lui-même atteint par la décérébration, l’ahurissement, l’américanisation qui touchent la plupart de nos contemporains. Mais cela n’empêche pas que, sur les questions existentielles, il ait en général des réactions instinctives plus saines que les élites – des réactions qui ne se réduisent pas à la « décence commune » célébrée par Georges Orwell. À toute époque, il y a un sujet historique principal. Si on n’en tient pas compte, on ne peut savoir ce qu’est exactement le moment historique que l’on vit. Aujourd’hui, je suis convaincu que le sujet historique de notre temps, ce sont les peuples. Cause du peuple, cause des peuples, c’est la même chose à mes yeux.

    LE NOUVEAU CONSERVATEUR : Connaissez-vous Youval Noah Harari, essayiste israélo-étatsunien qui bat tous les records de vente, notamment aux États-Unis et en Grande-Bretagne, avec deux livres aux tirages plusieurs fois millionnaires, « Sapiens. Brève histoire de l’humanité » et « Homo Deus. Brève histoire de l’avenir » ? On y lit par exemple : « Maintenant, les humains sont en train d’acquérir de nouveaux pouvoirs. Des pouvoirs divins, de construction et de destruction. Nous sommes en train d’améliorer les humains pour en faire des dieux » ; ou encore : « Nous avons besoin de reconditionner l’être humain. L’être humain est désormais un animal que l’on peut pirater. Les humains ont cette idée qu’ils ont une âme, un état d’esprit, un libre arbitre. Demain, voter ou aller au supermarché ce sera fini ». Que vous inspirent ces propos ? Faut-il les écarter pour enfantillage incurable, ou les prendre au sérieux ?

    ALAIN DE BENOIST. J’ai bien sûr lu les livres de Youval Noah Harari, professeur à l’Université hébraïque de Jérusalem et grand défenseur de la cause végane, dont les citations que vous en faires décrivent assez bien le contenu. Harari est aujourd’hui l’un des auteurs dont se réclame la mouvance « transhumaniste ». C’est un libéral qui s’appuie sur les progrès de la technoscience pour annoncer l’avènement d’une humanité « augmentée » par la prothèse, l’intelligence artificielle et la manipulation du vivant. Un thème plus ancien qu’il n’y paraît, puisque l’idée d’un « homme nouveau » appelé à remplacer l’humanité qui a précédé se trouve déjà chez saint Paul. Chez Hergé, dans L’étoile mystérieuse, le « prophète » Philippulus annonçait : « Repentez-vous, faites pénitence, la fin des temps est venue. » Harari annonce lui aussi la fin des temps tels qu’on les a connus, mais il nous convie à nous en réjouir puisque c’est une ère radicalement nouvelle qui va commencer.

    On peut en effet voir dans ses propos de simples enfantillages (ou le dernier avatar en date d’un vieux messianisme). Mais ce n’est pas un motif pour les écarter : les enfantillages peuvent avoir aussi des conséquences considérables. L’idée que l’avenir sera nécessairement mieux que ne l’a été le passé, que toute nouveauté est meilleure au seul motif qu’elle est nouvelle, est aussi un enfantillage – mais c’est lui qui a donné naissance à l’idéologie du progrès. La pseudo-théorie du genre, relayé par le lobby LGBT, selon laquelle notre identité sexuelle provient exclusivement de nos choix individuels et n’a strictement rien à voir avec le sexe biologique ou physiologique, est un enfantillage. Cela ne l’empêche pas de faire de tels ravages que l’on peut se demander si l’on n’est pas à la veille d’une mutation anthropologique qui n’aurait comme précédent que la révolution néolithique.

    Il faut donc prendre au sérieux les enfantillages, tout comme il faut prendre au sérieux ce que l’on appelle parfois un peu trop vite des « utopies ». L’homme augmenté des transhumanistes – qui ne serait en réalité qu’un homme diminué – n’est pas une pure chimère, même s’il relève encore sous certains aspects de la science-fiction. L’avènement de l’intelligence artificielle dans un monde où nous serons de plus en plus connectés, fichés et surveillés, va dans le sens d’une fusion progressive de l’électronique et du vivant. Il ne suffit plus de parler d’un grand remplacement de l’homme par la machine, mais d’anticiper le devenir-machine de l’humanité. Ce sont là des choses sérieuses. Elles nous emmènent assez loin de l’enjeu des prochaines élections !

    Alain de Benoist (Le Nouveau Conservateur, juin 2022)

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  • La droite divisée contre elle-même n’a pas d’avenir...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Didier Beauregard, cueilli sur Polémia et consacré à la division des droites nationales et à ses conséquences...

     

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    La droite divisée contre elle-même n’a pas d’avenir

    « Passé le deuxième tour des présidentielles, l’épreuve des législatives s‘annonce redoutable pour la droite de rupture si elle va au combat divisée contre elle-même, minée par un affrontement dévastateur des egos et des détestations ! », voilà ce que nous écrivions dans notre dernière chronique dans ces mêmes colonnes.

    Si le pire n’est jamais sûr, dit-on, il semble devoir s’imposer comme l’horizon indépassable de la droite française, en l’absence d’union des forces des droites nationales, incapables de se rassembler dans un moment historique décisif. Au-delà des aspects idéologiques qui fractionnent la droite, impuissante, contrairement à la gauche, à nommer un ennemi commun pour mener un combat commun, il faut bien constater aussi que les personnalités leaders ne sont pas au niveau des enjeux qu’elles sont censées affronter. La guerre des egos, qui fonde l’ordinaire de toutes les familles politiques, est aggravée par des choix stratégiques divergents qui reposent largement sur de fausses perceptions de la réalité politique et sociale du pays. C’est ce que nous nous proposons d’analyser dans cet article.

    Les électeurs pour l’union des droites

    La palme de la contrevérité, dans le triste feuilleton des occasions manquées dont nous sommes les témoins, revient à Marine Le Pen, quand elle affirme, avec le plus grand aplomb, qu’elle refuse l’alliance avec Reconquête pour ne pas trahir ses électeurs ! Une inversion de la réalité ; alors qu’un récent sondage montrait que 75% des électeurs RN sont favorables à cette alliance, soutenue par 70% des électeurs de droite, dont 43% de ceux de LR ! Marine Le Pen se pique de ne pas céder à la politique politicienne des alliances opportunistes, quand son attitude tendrait à montrer que son souci premier est de conserver le monopole de la fonction contestatrice et tribunitienne qui permet à l’entreprise familiale de prospérer, en dépit des échecs répétés qui ne laissent envisager aucune perspective sérieuse de victoire. Il est légitime de se poser la question de savoir si, prendre le pouvoir, est bien la finalité politique de la chef du Rassemblement National, qui porte si mal son nom ? On ne peut construire un grand parti national, en fonctionnant sur un noyau très restreint d’individus, unis par des liens familiaux et d’obéissance clanique, en excluant toute diversité idéologique. Un grand parti doit savoir unir des sensibilités idéologiques différentes et favoriser l’expression de personnalités fortes et diverses, aptes à élargir son espace électoral. Un chef de parti doit être un chef d’orchestre qui met en cohérence autour de lui les différents courants de pensée qui peuvent partager un combat commun. La droite, une fois de plus, est victime de son culte archaïque du chef monolithique.

    A contrario, la gauche trouve sa force dans la diversité des courants et la guerre idéologique interne qui l’anime, étant assurée que la détestation d’un ennemi commun, nommé et diabolisé, lui permettra de se retrouver unie dans les moments décisifs. Le modèle du genre est l’Union de la gauche portée par François Mitterrand qui a permis à ce dernier d’accéder au pouvoir après dix ans d’une guerre incessante avec son partenaire communiste. A un niveau nettement inférieur, Mélenchon vient de nous rejouer, avec succès, la tragicomédie de l’union des gauches, qui permet à ces dernières d’occuper le devant de la scène malgré leur dépérissement global. L’absence d’une culture de la controverse et de la confrontation idéologique s’est manifestée de manière particulièrement visible dans le récent débat du 2e tour, où la candidate RN a subi les attaques de son adversaire, avec une incapacité criante de contrebattre ses arguments.

    L’erreur de Zemmour

    Si les talents d’Éric Zemmour pour le débat et la controverse idéologique ne sont plus à démontrer, ses choix stratégiques et ses postures ont laissé apparaitre quelques failles qui ont été, hors effet Ukraine, déterminantes dans sa contreperformance. Il n’a pas su résister à la tentation de la polémique avec sa rivale du RN, alors que, d’évidence, il avait tout à perdre à s’engager dans cette voie. Un leader politique qui se présente au suffrage du peuple doit savoir maîtriser son sentiment de supériorité. Mais, plus fondamentalement, son choix stratégique, essentiellement centré sur la question identitaire et sécuritaire, s’est révélé erroné. Si près de 70% des français partagent, plus ou moins, ses analyses sur les dangers de l’immigration et la présence massive de l’islam dans notre pays, il est naïf de penser qu’ils choisiront pour autant l’homme politique qui se saisie de ces inquiétudes. Le FN a longtemps partagé cette illusion quand ses partisans affirmaient que Jean-Marie Le Pen dit tout haut ce que les français pensent tout bas, espérant ainsi le ralliement de la masse. La sociologie politique est forcément plus complexe et traduit des approches et des attentes contradictoires, voire incohérentes. Pour preuve, si 70% de nos concitoyens s’inquiètent de l’immigration de masse, plus de 60% d’entre eux ont voté pour des partis résolument immigrationniste, dont 58% pour Macron au second tour. Le citoyen électeur est un être fragmenté et compartimenté, dont la main droite ignore souvent ce que fait la main gauche.

    Zemmour, paradoxalement, a partagé le même type d’erreur que Giscard d’Estaing, quand confondant le centre sociologique et le centre idéologique de la France des années 70, il prétendait réunir au centre 2 français sur 3 autour du centre sociologique de la large classe moyenne, alors que l’époque était marquée par une culture idéologique d’affrontement binaire droite/gauche qu’il a refusé d’assumer. Zemmour commet l’erreur inverse, en pensant que le constat culturel d’une crainte partagée de l’immigration de masse puisse constituer, par effet mécanique, une nouvelle sociologie politique autour de l’immigration et de ses enjeux civilisationnels. La profondeur du conditionnement des esprits ne permet pas ce sursaut quantitatif et qualitatif et, surtout, la problématique de l’immigration, même très élargie, ne permet pas d’englober la diversité des attentes des électeurs.

    Pouvoir d’achat vs identité et sécurité, un faux débat !

    Nous abordons là un sujet crucial, source de divisions et d’incompréhensions dans le camp national, dont nous devons préciser l’enjeu : celui de l’articulation entre les questions sociétales et civilisationnelles et les problématiques socio-économiques ; d’où tout le débat entre le pouvoir d’achat et le régalien qui a marqué la campagne présidentielle. Seul Zemmour a résolument assumé l’option identitaire, quand tous les autres candidats ont choisi, chacun pour des raisons évidentes, de privilégier la thématique du pouvoir d’achat : Marine Le Pen pour consolider son image sociale auprès de l’électorat populaire, la gauche, parce qu’elle est immigrationniste par essence, et Macron, outre ses choix idéologiques pro-immigration qu’il ne pouvait franchement revendiquer, qui était particulièrement vulnérable sur le sujet identité/ sécurité.

    Disons-le nettement, cette construction d’opposition binaire entre le civilisationnel et l’économique est particulièrement pernicieuse et doit être rejetée totalement comme source privilégiée de manipulation de l’opinion. De fait, les deux problématiques évoluent dans des espaces différents qui ne peuvent se comparer mais, qui loin de s’opposer, se répondent. Les immigrationnistes, la gauche en tête, exhibant les résultats des études d’opinion, ne ratent pas une occasion de relativiser, voir nier, la question migratoire et sécuritaire, en montrant que le pouvoir d’achat est la première question qui préoccupe et mobilise les français ; argument facile, martelé pour escamoter la question identitaire. En termes de psycho-sociologie cette affirmation n’a pas de sens, car la première position, le pouvoir d’achat, n’annule pas la deuxième (le sécuritaire/ identitaire), mais la renforce. Le pouvoir d’achat est un problème écrasant qui conditionne la qualité quotidienne de l’existence de ceux qui sont socialement fragilisés, il est une fatalité de tous les jours qui s’impose comme un enjeu vital, nul ne peut s’arrêter de manger, de se loger ou de se déplacer. L’identitaire, même oppressant, est du domaine du ressenti, du bien être existentiel, on peut en souffrir profondément et s’en distancier au quotidien. Quant au sécuritaire, largement lié à l’identitaire dans l’esprit du français ordinaire, il est, sauf cas particulièrement dramatiques, vécu comme une fatalité avec laquelle il faut apprendre à composer. Elle crée un climat lourd d’angoisse et de mal-être, mais les populations indigènes, aisées ou populaires, ont appris, au fil des décennies, à gérer le risque. Ces populations dans leur mode de vie quotidien restreignent et s’adaptent à leur espace public, en fonction des considérations sécuritaires.  La recomposition de la géographie de l’habitat, avec ses centres ville boboïsés, et ses zones périphériques pavillonnaires, est largement le fruit de cette adaptation aux bouleversements humains générés par l’immigration, combinés avec la dimension économique des prix de l’immobilier urbain. Et c’est bien là que la question sociale et identitaire se recoupent, car la masse des classes moyennes et populaires sait que la paupérisation renvoie ou maintient le « petit blanc » dans les zones « défrancisées », où il se trouvera en tant que maillon le plus vulnérable de son environnement social. A contrario, des revenus corrects permettent de rejoindre les zones pavillonnaires ou urbaines, où la propriété immobilière assure un minimum de sécurité et de cohérence identitaire ; un enjeu capital pour la scolarisation des enfants, notamment. Il est donc absurde, répétons-le, d’opposer pouvoir d’achat et identité/sécurité ; ce sont les deux faces d’une même médaille qui ne sont pas hiérarchisées avec le même niveau d’urgence et de contrainte : l’une s’impose comme une priorité lancinante du quotidien, l’autre comme une peur larvée à laquelle on s’adapte tant bien que mal, tant qu’elle ne vous frappe pas directement. Il est logique que l’angoisse de la détresse sociale qui détruit la vie quotidienne l’emporte sur la crainte sécuritaire dans les préoccupations des français, sans que cela ne relativise en rien l’importance de cette dernière qui lui est étroitement liée.

    Il est donc illusoire de mener campagne avec l’intention réelle d’arriver au pouvoir, sans avoir préalablement pris la peine d’assoir une crédibilité économique qui rassure un électorat potentiel. L’enjeu matériel du quotidien pèse prioritairement sur les choix politiques, d’autant que la propagande du système peut durablement tricher sur la perception des français sur les enjeux migratoires et sécuritaires, une part non négligeable de la population vit encore dans des zones plus ou moins préservées, mais tout un chacun est confronté à l’incontournable principe de réalité de son pouvoir d’achat ; je peux, ou je ne peux pas avoir ce dont j’ai besoin ! Au-delà de la naturelle divergence des positions, cette crédibilité passe d’abord par la reconnaissance de l’importance de l’enjeu économique et social, afin de conforter l’électeur sur la prise en compte de ses attentes.  Elle passe aussi par le soutien que peuvent apporter des acteurs de l’économie, entrepreneurs ou autres, et un corpus théorique qui puisse être légitimé par des personnalités reconnues pour leur savoir, des académiques, notamment. Les différentes familles de la droite nationale n’ont jamais réussi à acquérir cette légitimité économique, alors que, dans les pays anglo-saxons, elle a été à la base des succès du camp conservateur, comme en leurs temps, Thatcher, Reagan, ou même Trump.

    Il faut engager une alliance des droites sur la base d’une plateforme programmatique prioritairement construite autour des enjeux économiques, si l’on considère, a fortiori, que le constat sur l’identitaire et le sécuritaire est déjà très largement partagé par l’ensemble des forces qui se réclament de la droite.

    L’illusion de Marine

    Malgré tous ses efforts pour se « normaliser », Marine Le Pen n’a jamais réussi à obtenir un label de crédibilité en termes économique. Pire encore, l’élargissement des thèmes sécuritaires et identitaires dans la conscience collective, a obligé les adversaires du RN à concentrer leurs attaques sur sa dangerosité économique qui, selon eux, isolerait et ruinerait la France en quelques mois. Il faut savoir que Les Echos, journal de l’idéologie dominante des milieux économiques, a été, durant les présidentielles, un des titres les plus virulents contre la candidate du RN. Marine Le Pen est enfermée dans une contradiction qu’elle n’arrive pas à surmonter entre son désir d’être acceptée au sein du système et sa volonté d’afficher une dimension sociale qui peut séduire une « certaine » gauche « populaire », au-delà de l’opposition droite/gauche. En conséquence, elle se « mélenchonise » aux yeux du système et de la droite patrimoniale, sans gains réels du côté de la gauche. Son analyse est sociologiquement fausse, et ses réserves de voix potentielles ne sont pas du côté de LFI, comme l’a prouvé le 2e tour des présidentielles. La gauche de culture populaire et patriote a depuis longtemps quitté les rangs de la gauche officielle et, selon une logique quasi physique, plus l’électorat de gauche s’amoindrit, plus il se concentre sur son noyau dur, idéologiquement fermé et culturellement et sociologiquement incompatible avec la sensibilité « populiste » RN. Il en va de même pour ce qui reste de l’électorat LR, mécaniquement de plus en plus âgé et bourgeois, et donc, de moins en moins susceptible de rejoindre la droite contestatrice.  Comme nous l’écrivions dans ces mêmes colonnes, « qu’importe que le RN ne se réclame ni de droite, ni de gauche, le déterminisme historique et sociologique le place inéluctablement à la droite de l’échiquier politique, là où ses adversaires le positionnent ».

    En toute logique, la seule voie réaliste pour le RN d’arriver au pouvoir est d’être la plaque tournante d’une alliance des droites de rupture, susceptible de réunir d’emblée plus de 40% de l’électorat national.

    LR ou l’art de la destruction programmée

    S’il n’y a plus vraiment grand-chose à attendre pour la droite de rupture du côté de l’électorat LR résiduel, il existe, en revanche, un électorat important d’ancien électeurs de la droite « classique » qui ne savent plus vraiment vers qui se tourner. Cet électorat représente entre le tiers et la moitié des électeurs de Sarkozy en 2012 et de Fillon en 2017, soit quelque 10% de l’électorat global ; c’est là, pour des raisons sociologiques et idéologiques faciles à comprendre, que se trouvent les plus importantes réserves de voies pour une droite offensive. Encore faut-il convaincre cet électorat, plutôt bourgeois et conservateur, d’une capacité à gouverner pour qu’il bascule largement dans un vote antisystème. Cet électorat, toutefois, est toujours susceptible de retourner vers sa famille  d’origine, s’il trouve des leaders qu’il juge combatifs et assument leur engagement à droite : un choix anti Pécresse, en quelque sorte. Nous retrouvons ainsi la problématique de la qualité déficiente des têtes d’affiche des partis.

    Il est proprement stupéfiant que depuis 40 ans, la droite se soit enfermée dans le ghetto électoral du « front républicain », qui tourne quasiment systématiquement à son désavantage, sans qu’aucune personnalité majeure de la droite se soit rebellée contre ce diktat qui assoit la puissance idéologique de la gauche. Ce principe a distordu la réalité politique du pays, au point que la droite institutionnelle a fini par perdre tous ses repères pour se condamner elle-même. Tout était prévisible et écrit d’avance ; on ne peut combattre durablement deux ennemis à la fois : au nom de la lutte contre « l’extrême droite », la droite a légitimé la domination « morale » que la gauche prétend exercer. Après le désastre de la candidature Pécresse, aboutissement logique de la distorsion stratégique de la droite, l’avenir de LR est plus qu’incertain. Il est encore étonnant de voir que rien ne bouge, rien ne semble annoncer un revirement stratégique. Aucun des dirigeants censés assumer une image de droite forte, n’apparait capable de franchir le Rubicon de la farce tragique du cordon sanitaire « républicain ». Le paradoxe est que, malgré l’état avancé de décomposition de la droite, un leader solide et déterminé pourrait probablement encore rafler la mise d’un grand rassemblement des droites, tant les français restent fondamentalement légitimistes au regard de ce qu’ils estiment être la capacité à gouverner.  La droite attend toujours son Mitterrand qui brise enfin le tabou de l’alliance interdite, alors que le temps lui est compté ; en deçà d’un certain seuil il n’y a plus de retour possible !

    La droite « hors les murs » … ou « hors-jeu » ?

    Le vivier électoral de la droite est riche et diversifié, mais aussi éparpillé. Des personnalités, hors des deux partis dominants (il faut encore attendre pour savoir si Reconquête confirme sa percée), sont capables de mobiliser quelques fractions de l’électorat national. On pense prioritairement, à Dupont Aignan et Philippot, mais aussi, dans une moindre mesure, à Asselineau, et, pourquoi pas même, à Jean Lasalle. Prises dans leur ensemble, ces personnalités représentent un espace électoral qui évolue autour des 5% ; ce qui est loin d’être négligeable dans le cadre d’une stratégie d’alliance, alors que, éparpillé, ce vote ne pèse pratiquement rien. La conclusion s’impose d’elle-même : si ces personnalités peuvent garder un positionnement personnel utile dans le débat public- on l’a vu avec le combat de Philippot contre les dérives « covidistes » – il est clair que, isolées, elles ne peuvent exister électoralement. Ces forces, modestes mais combatives sur des thématiques ciblées, ont donc tout intérêt à adhérer à une stratégie d’alliance qui leur permettrait d’exister politiquement, sauf à privilégier un isolement narcissique qui flatte leur ego, dans l’attente du grand choc qui transcendera leur destin. On a toujours le droit de rêver !

    Mais la droite hors les murs, c’est d’abord la masse des électeurs déçus et sceptiques qui se réfugient dans l’abstention. Aucun candidat, en dépit des vœux pieux régulièrement exprimés, ne réussit à les mobiliser, malgré leur conscience politique souvent développée. Il est clair que l’offre ne correspond pas à leurs attentes, et le regard des abstentionnistes est généralement sévère sur les personnalités politiques de droite, jugées incapables de porter une véritable alternative politique. La désunion des droites ne peut qu’aggraver ce sentiment, alors que, nous en sommes convaincus, un projet commun sur les bases de quelques grands objectifs partagés pourrait amorcer une véritable dynamique de conquête du pouvoir. La division des droites, aujourd’hui, laisse le rôle de premier opposant au régime Macroniste  à une gauche « mélenchonisée » ; ce qui est proprement absurde vu l’état général des partis de gauche.

    L’Union est un combat

    Alors, la droite est-elle définitivement trop divisée idéologiquement et humainement pour pouvoir un jour espérer bâtir une alliance qui renverse la donne politique des quatre dernières décennies ? En tout état de cause, il est vain de vouloir créer un consensus idéologique qui n’existe pas. La conflictualité et la controverse sont les fruits naturels de la diversité qui fonde une alliance. « L’Union est un combat », martelait la gauche au temps du Programme commun. Selon une vieille loi de l’histoire, on s’allie d’abord contre un ennemi commun. Le constat d’un socle de valeurs communes (le respect des libertés essentielles, la transmission culturelle, le patriotisme…) et le même sentiment d’urgence partagé face à des dangers identifiés, devraient permettre de poser les bases d’un consensus de fond, à partir duquel pourrait être définies les grandes lignes d’un cadre économique et institutionnel rénové; chaque force politique gardant son autonomie d’action et de proposition à l’intérieur de ce cadre, avec l’engagement d’accords unitaires à chaque échéance électorale.

    Sans capacités d’alliance l’avenir politique des droites, en tant que force dirigeante, est compromis, et leurs électeurs perçoivent clairement cet enjeu. Si le rôle des personnalités leaders est essentiel pour porter un projet vers la victoire, il faut alors que le choix des électeurs prenne prioritairement en compte la capacité d’un (ou une) dirigeant(e) à rassembler au-delà de sa famille naturelle et des limites de sa personne. Nous sommes à un moment historique, où l’absence ou la présence d’une (ou plusieurs) personnalité (s) à la hauteur des enjeux historiques que nous affrontons peuvent changer le destin d’un peuple.

    Didier Beauregard (Polémia, 8 juin 2022)

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